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jeudi 28 mars 2019

Livre : Sorcières, la puissance invaincue des femmes - Mona Chollet

Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ? Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
 
En ouvrant ce livre, je m'attendais à trouver un document un peu féministe parlant essentiellement des sorcières, d'hier et d'aujourd'hui. Un genre de manuel de la sorcière moderne. C'est un peu ça, en fait, mais de manière un peu plus subtile...
En tout cas je ne m'attendais pas à ce qu'il résonne autant en moi, à ce qu'il décrive exactement la façon dont je vois et ressens les choses, parfois même des choses dont je n'avais pas tellement conscience jusque-là.

Mona Chollet commence, comme on s'y attend, par parler des sorcières dans l'histoire, de la façon dont elles ont été persécutées et massacrées, du fait que c'étaient essentiellement des femmes (les rares hommes ayant été victimes de la chasse aux sorcières l'ayant été pour "association avec une sorcière"), et quasi systématiquement des femmes indépendantes car veuves ou simplement célibataires, et donc dangereuses car libres de toute domestication par un homme.

Elle poursuit avec un long chapitre parlant de la maternité. Et surtout du refus, de la "non-envie" de maternité. Et là, grosse prise de conscience. Si tu lis ce blog depuis quelque temps, tu sais que nous faisons face, Chouchou et moi, à une infertilité inexpliquée, qui a été source de beaucoup de frustration et de souffrance. Mais depuis quelque temps, je me disais de plus en plus que finalement, il y avait peut-être une raison à cette infertilité. Peut-être que la nature ne me donnait pas d'enfant justement parce que je n'en voulais pas vraiment, au fond.
Il y a une phrase qui m'a particulièrement marquée. Je ne vais pas te retranscrite tout le bouquin mais grosso modo, elle démontre longuement à quel point le désir de maternité est, bien souvent, quelque chose que nous dicte la société, et non pas notre "instinct" de perpétuation de l'espèce, et encore moins notre besoin de nous accomplir en tant que femmes en se faisant remplir le ventre de progéniture. Arrive un moment où elle parle des femmes qui ont réellement envie d'avoir des enfants, ce qu'elle ne critique absolument pas, mais elle cite alors l'une des femmes avec qui elle a échangé à ce sujet, qui se demande (à peu près hein, j'écris ça de mémoire) : "était-ce un réel désir d'enfant ou un désir de désir d'enfant ?" En d'autres termes, avait-elle réellement envie d'un enfant, pour et par elle, ou était-ce un simple désir de se conformer à ce qu'on attendait d'elle, à savoir procréer ?
Du coup, je me demande : cette envie, ce besoin d'un enfant que j'ai moi-même eu, était-ce vraiment pour moi, ou était-ce pour céder, sans même m'en rendre compte, au désir que les autres (mes parents, mon mari, mes beaux-parents, la société) ont de me voir remplir mon rôle d'incubateur et d'éducatrice, comme toute vraie femme qui se respecte ?
En lisant les témoignages des mères dont la maternité a détruit la vie (elles aiment leurs enfants en tant que personnes et elles sont heureuses qu'ils soient là ; elles regrettent simplement d'être mères), qui ont tout de suite su que ce n'était pas pour elles et qui en ont terriblement souffert (souffrance qui s'est très rarement atténuée au fil des années), je me suis rendu compte que je ne voulais pas vraiment de ça non plus : la grossesse, l'accouchement puis le nourrissage, le toilettage et l'éducation, franchement ça ne m'a jamais vraiment attiré. Ce qui m'attirait, au fond, c'était d'acquérir ce statut que la société attend de moi que j'acquière, parce que je suis une femme : celui de mère. C'était devenir une femme "accomplie", parce qu'il est communément admis qu'une femme qui n'a pas d'enfant n'est pas une vraie femme, elle n'est pas complète, elle n'a pas réalisé ce pour quoi elle existe.
Bref, je crois bien que mon désir d'enfant n'était en fait que le besoin d'entrer dans la case qu'on m'impose sans même que je m'en rende compte. Il me reste beaucoup de chemin à faire dans cette réflexion, et je me trompe peut-être, mais alors que je lisais la souffrance de ces mères qui n'étaient pas faites pour être mères, dont "l'instinct maternel" n'avait finalement jamais poussé en même temps que leur enfant (et ces femmes sont bien plus nombreuses qu'on ne le croit, qu'on ne veut bien l'admettre), une grosse angoisse s'est mise à enfler en moi : non, je ne veux pas devenir l'esclave de la vie qu'on a choisi pour moi.
(Désolée, je n'avais pas prévu d'en dire autant ^^).

Le chapitre suivant parle de l'âge et du vieillissement de la femme. Il a fait d'autant plus écho en moi que je l'ai lu quelques jours après avoir écrit mon article sur les cheveux blancs. Il m'a fait réaliser que même si, dans cet article et dans ma réflexion, je m'efforce de me libérer des codes imposés par la société, ces mêmes codes continuent de parler à mon insu, notamment quand je dis : "ça restera ainsi, jusqu'à ce que ma Touffe devienne une belle crinière argentée (parce que pour le moment, soyons réalistes, c'est moche)" (ouais, je m'auto-cite. #mégalo). En quoi est-ce que c'est moche ? C'est moche parce que la société me dit que tels critères physiques sont beaux et tels autres sont moches. C'est tout. Dans l'absolu, ce n'est ni beau ni moche. Ce n'est pas de l'art. Ce sont de simples cheveux.
J'ai également réalisé que cette manière que j'avais de dire, "en plaisantant", que j'ai 29 ans à vie, c'est surtout un refus non assumé de vieillir, de dépasser la barrière fatidique des 30 ans, parce qu'une femme qui n'a plus 20 ans, c'est une femme qui n'est plus jeune, et une femme qui n'est plus jeune, c'est une femme qui devient inutile, indésirable (et si en plus elle n'a pas d'enfant, je te raconte pas le drame !).

Le quatrième chapitre traite de la stupidité naturelle de la femme. Ou plutôt devrions-nous dire culturelle ? Depuis notre plus jeune âge, tout est fait pour nous faire comprendre, à nous les femmes, que nous sommes idiotes, tout particulièrement face à la grandeur inatteignable de l'homme. Cette construction déconstruction est tellement efficace est bien rodée que, bien souvent, ça devient vrai. Malgré des capacités intellectuelles tout à fait normales, nous perdons nos moyens quand il s'agit de les montrer, parce que nous ne sommes pas censées en être capables. Heureusement, c'est une généralisation qui ne se vérifie pas à tous les coups mais, franchement : qui ne s'est jamais sentie comme une grosse gourdasse lors d'une conversation qu'on est tout à fait capable de tenir mais, on ne sait pas pourquoi, c'est pile à ce moment-là que tous les neurones se font la malle ?
Et, face à ça, on persuade les hommes (ou ils s'auto-persuadent ? Parce que "on", au fond, c'est qui, exactement ?) qu'ils nous sont infiniment supérieurs. Encore récemment, alors qu'on parlait d'un couple qui venait visiter notre maison, après une pré-visite de la femme, Choupi, qui n'est pourtant pas du genre néandertalien la plupart du temps, me sort : "Mais nous les hommes, on arrive mieux à voir les aspects techniques dans une maison, alors que vous les femmes..." Gloups ? Atterrée, je lui donne le meilleur exemple de la totale invalidité de son argument (j'en suis un également, je suis un genre de cauchemar pour les artisans qui travaillent sur notre maison... mais j'essaie de me retenir, parce que je voudrais bien qu'ils finissent notre maison ^^) : "Et ma mère, elle est nulle dans ce domaine ?" (Nicole, 57 ans, a rénové intégralement deux maisons pour elle-même et fait divers travaux chez pas mal de gens au cours de sa vie, bref, ses compétences vont de la maçonnerie à la peinture en passant par les trucs aussi techniques (et théoriquement inaccessibles aux femmes, donc ?) que l'électricité et la plomberie.)
La réponse de Choupi : "Oui mais ta mère, c'est un homme..."
...
(J'ai vu dans ses yeux qu'il a compris la connerie de ce qu'il disait avant même d'avoir fini sa phrase mais quand-même, c'était dit.) (Et puisqu'il faut tout justifier, ma mère n'a rien d'un homme, ni même d'un "garçon manqué" (aaaah, cette expression elle aussi toute moisie !) : elle accorde beaucoup (trop) d'importance à son apparence et a toujours été très coquette - sans non plus s'habiller de robes roses à paillettes.)
Mais ça montre bien à quel point même les mecs les plus ouverts d'esprit (bien que le mien soit pas mal pénalisé par sa famille qui le tire un peu vers le bas de ce côté-là, mais je le il se soigne) sont englués dans ces a priori tout pourris.
Elle glisse ensuite tout naturellement vers la médecine. Discipline machiste et misogyne au possible car historiquement construite ainsi, autant envers les praticiennes que les patientes, la médecine s'avère trop souvent un milieu d'une violence inouïe et tout particulièrement envers les femmes. Je te passe les exemples que Mona Chollet donne dans le livre mais, si je connaissais certaines de ces histoires, j'ai encore réussi à rester sur le cul face à tant d'aberrations.
En outre, elle confirme ce que j'ai constaté depuis que je suis en âge de procréer et que tout  le monde (Tout. Le. Monde.) se mêle de la vie de mon utérus : le corps de la femme appartient à tout le monde (Tout. Le. Monde.).
Bon, elle dit encore énormément de choses très intéressantes (et horriblement vraies) dans ce chapitre, je ne vais pas tout te raconter non plus... (j'en ai déjà beaucoup dit, je crois, hein ^^').

On pourrait croire, comme ça, que ce livre est un genre de pamphlet à l'encontre de cette société patriarcale qui a fait et fait encore tant de victimes, mais il n'en est rien. Malgré l'horreur de ce que Mona Chollet relate parfois, jamais elle ne tombe dans la virulence. Au pire, il lui arrive d'être un poil sarcastique. Ce livre reste un ouvrage profondément teinté de positivisme, d'espoir : l'espoir qu'un jour ce monde change et devienne meilleur. Pour tout le monde.

Bref, tu l'auras compris, ce livre passionnant a déclenché pas mal de choses en moi et devrait, à mon avis, être lu par toutes mais aussi par tous. Les mots simples mais puissants de Mona Chollet sont exactement ce dont les femmes, mais aussi l'humanité entière, ont besoin pour se sortir de ce patriarcat de merde qui les pourrit depuis des siècles.

4 commentaires:

  1. Ohahhh ça donne trop envie !!! Il faut que je me procure ce bouquin !
    Les réflexions qu'il t'inspire sont très intéressantes - et la façon dont tu t'en sers pour explorer la piste infertilité est étonnante. En fait, pourquoi pas ? C'est très positif que ça te permette d'avancer dans ta réflexion personnelle sur le sujet.
    Concernant toutes ces femmes qui procréent par habitude et injonction plutôt que par réelle envie d'un enfant, je suis complètement d'accord avec toi...il y en a DES TAS et je dirais même une majorité. Combien de copines m'ont ouvertement dit qu'elles faisaient des gosses parce que c'était 'comme ça' ou disant après leur grossesse 'moi j'étais pas trop enfant et regarde !'. Rhoo bon sang, ça fout le bourdon les filles xD C'est quoi l'intérêt ? S'auto-flageller pour la postérité ? Avec ça et la pression sociétale, on a le bingo gagnant. En fait, tu t'en prends systématiquement plein la gueule: que tu ne sois pas contente d'être mère ou que tu assumes de ne pas l'être. Il n'y presque aucune porte de sortie...
    Pour ce qui est de l'intelligence, ça me parle ENORMEMENT. Ayant toujours été curieuse et bonne élève, j'ai été catégorisée 'intello de service' dès le primaire et de ce fait, déclarée imbaisable et moche pendant toute ma scolarité, jusqu'à la fac. Et en fait, avec le recul, je me suis rendue compte que les mecs (et les autres filles d'ailleurs) m'ont systématiquement rejetée parce que je ne me conformais pas à ce cliché de fifille bête (qui d'ailleurs avaient une côte d'enfer). J'osais assumer mon intelligence et tenir tête aux mecs, et je m'aperçois aujourd'hui que je l'ai payé très cher (mais je ne regrette pas).
    Ah ah ah, je vois que ton homme n'est pas en reste avec les comportements archaïques du fin fond du cerveau qui ressortent d'on ne sait où ^^ Ludo me fait régulièrement la même chose, mais heureusement - et je pense que c'est le cas pour toi aussi - on peut toujours discuter et arriver à leur faire comprendre pourquoi ils disent de la merde !
    Merci, merci pour cette review, j'en suis toute excitée :P
    Des bisous à toi !

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    1. J'étais (presque) sûre que ce livre t'attirerait ^^ Sincèrement, je suis certaine qu'il te plaira, peut-être même que toi aussi, il t'apportera plein de réflexions très utiles.
      J'étais aussi l'intello moche de service (et en plus à partir de 7 ans j'ai eu des lunettes, le drame - en fait je crois que c'est surtout ça qui m'a définitivement enfoncée dans cette catégorie parce que sincèrement, sans prétention aucune, j'étais vraiment une jolie gamine... "avant ça"). Mais en tout cas, surtout au collège, j'étais moi aussi la laissée pour compte parce que pas "bébête et populaire". Au lycée, je me suis un peu plus ouverte mais je sentais bien que dans mon groupe de "potes" (qui ont d'ailleurs disparu quand j'ai eu un peu besoin d'eux...) j'étais un peu le vilain petit canard. Bref, c'est clair, tu te fais plus facilement des "amis" quand tu entres dans le moule qu'on t'a attitré. Mais bon, faut voir la qualité des amis, alors au final je suis bien contente d'avoir été cette "intello moche" et seule : les rares amis que j'ai sont de vrais amis, ceux qui m'apprécient justement parce que je n'entre pas dans les cases (et c'est réciproque !).
      On a un peu de boulot avec nos hommes, hein XD Oui, heureusement que la discussion est possible. Bon, des fois je sens qu'il n'est pas encore prêt. Genre hier, on regardait une émission à la con et une femme bien en chair montrait le haut de sa cuisse, avec donc quelques vergetures et de la cellulite, rien d'autre que du très naturel et répandu, quoi... Il s'est fendu d'un "beuah, ben elle a pas des belles fesses". J'ai bien senti que quand je lui ait dit que ce commentaire totalement gratuit était malvenu et qu'il n'avait pas à juger le physique de quelqu'un de cette façon, il y avait quelque chose qu'il ne captait pas dans mon message... ^^ Bref, j'ai pas trop insisté. On va y aller pas à pas... XD Il n'est pas grossophobe ni rien, mais des fois il a ce genre de réflexions qu'on sait pas trop d'où ça sort (il m'arrive encore de le reprendre sur le "elle a un joli visage... malgré son surpoids", mais on fait des progrès...). Bon, c'est juste un homme à éduquer, quoi :P
      En tout cas, si tu le lis, ça me ferait très plaisir d'avoir ton retour !
      Des bisous, bon week-end ! :)

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  2. Dans un autre répertoire, je te conseille Femme qui court avec les Loups de Pinkola Estès. C'est ma bible de chevet, même si à force de l'offrir et de le prêter je n'en ai plus à la maison... J'aime le lire et le relire car il fait parti de ses livres qui vous fait réfléchir, vous soigne, vous emmène dans un voyage intérieur.

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    1. Merci beaucoup pour la référence Ama, effectivement le résumé donne envie ! :)

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