Je suis végé, je suis à la mode

Je lis ou entends souvent des remarques du type : "Nan mais le végétarisme / végétalisme / véganisme, ce n'est qu'une mode, ça va passer", voire même : "Nan, hors de question que j'arrête de manger de la viande, je ne suis pas un mouton !"

On ne peut pas le nier, le "mouvement" végétarien / végétalien / végane (qu'on nommera VG) a le vent en poupe et recrute de plus en plus d'adeptes. L'alimentation végétale existe certes depuis des siècles, voire même des millénaires, mais ce n'est que depuis quelques années qu'on voit un réel engouement, une réelle montée en force des mouvements animalistes divers.

Du coup, que certains aillent jusqu'à dire que ce n'est un effet de mode est compréhensible, mais c'est totalement faux. C'est dans l'air du temps, oui, mais ce n'est pas passager. Ce n'est pas une couleur de cheveux dans le vent ni un courant artistique. Ce n'est pas un mode de pensée auquel on adhère juste pour faire comme sa meilleure copine ou la blogueuse d'en face. Cesser de manger de la viande et de participer à l'exploitation animale, c'est un marché qu'on passe avec sa conscience. C'est ouvrir les yeux sur un système qui fonctionne de travers.

C'est évoluer. Devenir VG, ce n'est pas suivre une mode, c'est une évolution. Tout comme l'ont été, en leur temps, l'abolition de l'esclavage ou la reconnaissance des femmes comme égales des hommes. Il reste certes des gens qui sont restés bloqués quelques siècles en arrière et estiment que les humains autres que "blancs" et les femmes sont des sous-humains, mais ce n'est plus la pensée majoritaire. Tout comme je suis persuadée que, d'ici quelques années, ou peut-être décades ou siècles, nous serons tous (ou presque) d'accord pour dire que les animaux n'ont pas à être élevés, exploités et torturés pour notre simple plaisir. J'espère, et je suis sûre que dans quelque temps, les modes de pensée auront suffisamment évolué pour arriver à un consensus : celui selon lequel l'esclavage des animaux est tout aussi injuste et illégal que celui des humains.

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : ce n'est pas parce que je parle d'évolution que j'estime que les personnes qui continuent de manger de la viande sont des arriérés (il y en a, certes, mais soyons honnêtes : il y a des arriérés aussi parmi les VG...). Chacun a son histoire, son bagage, sa culture, son éducation. On nous matraque depuis notre plus tendre enfance des idées selon lesquelles on doit manger de la viande pour avoir des muscles et boire du lait pour avoir des os solides. En d'autres termes, qu'on a besoin de tuer des animaux pour survivre. Forcément, il est difficile de se sortir de ce conditionnement, et de se rendre compte que, si ça a peut-être été vrai à une époque, ça ne l'est plus. Que, à l'insu de leur plein gré, nos parents et instructeurs nous ont menti, tout comme leur propres prédécesseurs l'ont fait avec eux.
J'ai mis plus de trente ans à m'extirper de ce schéma. Pire, je savais depuis plusieurs années qu'il fallait que je cesse de manger des animaux pour m'accorder avec ma conscience, mais je n'y parvenais pas, pour des raisons que je trouve mauvaises aujourd'hui mais qui étaient valables à cette époque, dans cette ancienne vie. Je consomme même encore certains produits animaux, tels que le lait ou les œufs, alors que je sais que je ne devrais pas. Alors que je ne le veux pas. Je le fais tout de même, encore. Pour de mauvaises raisons mais qui restent accrochées à ma vie d'aujourd'hui.

Tout ça pour dire que je ne suis pas en train d'essayer de te taper dessus, toi qui y penses mais qui n'as pas encore sauté le pas pour des raisons qui te sont propres, toi qui y vas petit à petit, ou même toi, qui n'envisages même pas de réduire ta consommation de viande. Chacun fait ce qu'il veut, pour les raisons qui lui sont propres, je ne tape sur personne.
Mais lire, au détour d'un article (qui bien souvent n'a rien à voir avec le sujet), ou entendre, au détour d'une conversation, que de toute façon, le végétarisme n'est qu'une mode ridicule, ça a un peu tendance à me faire bondir. Surtout quand les personnes qui lancent ce genre d'inepties les complètent d'un "et puis de toute façon je mange très peu de viande à la base" : pourquoi ressentir le besoin de se justifier si l'idée est si ridicule ? N'y aurait-il pas un léger sentiment de culpabilité derrière cette petite amertume ?

Et au final, même si ce n'était qu'une mode, en quoi serait-elle pire que les autres ? Franchement, si je dois être à la mode une fois dans ma vie, je préfère que ce soit en cessant de manger des cadavres plutôt qu'en ayant les cheveux blorange.