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jeudi 15 octobre 2015

Devenir végé, ou comment être pris entre deux feux



Quand tu prends ta décision et que tu deviens végé, comme ça, du jour au lendemain (ou presque), tu apportes un léger changement à ta vie, mais surtout tu commences par percher ton cul entre deux chaises un peu branlantes. 
Tu as la chaise omnivore, celle que tu quittes plus ou moins brusquement, et sur laquelle sont groupés, généralement, les 95% de ton entourage - et du reste du monde. Et la chaise végé/végane sur laquelle tu te hisses à ton rythme : tu grimpes tranquillement, tu trébuches parfois, tu serres un peu les dents, mais tu grimpes, tu es sur la bonne voie, TA voie.
Mais voilà, tu as encore la moitié d'un cul sur chaque chaise et leurs occupants respectifs n'hésitent pas à te le faire savoir.

Je t'ai déjà raconté la réaction de l'homme, qui a donné lieu à une discussion un peu houleuse, mais ça ne lui a pas pris beaucoup de temps pour l'accepter, et plutôt bien. En dehors de la tranche de jambon qu'il lui arrive d'ajouter aux plats que je lui fais, je n'ai plus cuisiné de viande à la maison depuis. Et pourtant, c'est pas faute de le lui avoir proposé. L'autre jour, il a même fait l'effort de faire une moitié sans jambon sur son omelette au jambon (ouiiii, il a cuisiné, je te jure !).
En annonçant ma décision à ma mère, sur laquelle je comptais pour avoir la réaction la plus neutre et la plus compréhensive, et qui finalement est devenue très, très obtuse pendant dix minutes, je me suis rendue compte d'un truc : le végétarien/végétalien/végane (qu'on appellera VG par la suite) est vu par beaucoup comme un extrémiste, un fanatique religieux. Quand elle m'a fait comprendre ça, plus ou moins subtilement, ça m'a fait un choc. Moi, extrémiste ? Moi, fanatique religieuse alors que j'ai toujours été profondément athée ? Mais sérieusement, le seul fait de devenir végétarienne me fait-il subitement devenir une autre personne aux yeux des autres, efface-t-il tout ce que j'ai dit ou fait durant toute ma vie pour me faire brusquement devenir une poseuse de bombes ou, selon Choupi, une marginale ? Comment le simple fait de ne plus manger de viande (tout comme je ne mange pas d'endives, d'aubergines ou d'estragon, mais ça, ça perturbe personne, hein) peut-il changer à ce point l'image que mes proches ont de moi ?

Alors, après avoir coupé court à cette conversation de merde (parce que vraiment, j'avais jamais vu ma mère aussi relou), j'ai réfléchi, et va savoir pourquoi, j'ai repensé aux islamistes. Et aux Musulmans. Et au terrorisme. Et au végétarisme. Et là, le lien s'est fait. Les extrémistes VG sont aux VG ce que les islamistes sont aux Musulmans : une plaie minoritaire qui discrédite une majorité de personnes tout à fait normales qui vivent de manière tout à fait normale, sans faire chier personne. Bon, je ne pense pas avoir déjà entendu parler d'un VG qui aurait posé une bombe dans une boucherie, mais sur le principe, c'est la même chose : tu ne penses pas comme moi, donc tu as tort

Et du coup, à cause d'une minorité de personnes qui prend ça très à cœur - ce qui pourrait être tout à leur honneur, si ce n'était pas trop -, je me retrouve à devoir me justifier inlassablement sur un choix qui n'emmerde personne (ou juste moi, à la limite), et surtout qui ne regarde que moi, et à m'entendre dire que "t'as pas intérêt à nous emmerder avec ça" - comme si les autres ne m'emmerdaient pas, eux, avec leurs allergies ou leurs dégoûts, comme si un choix avait moins de légitimité qu'un fait.
Heureusement, du côté de l'autre chaise j'ai été plutôt chanceuse jusqu'à maintenant, les deux végétariens de mon entourage sont des "normaux", tout comme ceux que je côtoie sur la blogosphère, mais vu les attaques que certaines personnes se prennent au travers de la gueule, je me dis que je ne suis pas à l'abri... Mais j'ai la chance d'être plutôt imperméable aux agressions gratuites et au cons.


Bref, ceci n'est pas une leçon de morale, loin de moi cette idée, même si ça va peut-être y ressembler. Les discours moralisateurs sont aussi agréables, pour moi, que du poil à gratter coincé dans la culotte. Mais ce que j'aimerais, si je vivais dans le monde parfait de Candy, c'est que les gens, qu'ils soient sur une chaise ou sur l'autre, cessent de prendre tout cela comme une guerre. Amis omnivores, que ce soit par réel choix ou par simple perpétuation d'une tradition, sachez que les VG n'ont pas besoin de s'entendre dire que leur choix est idiot. C'est leur choix, il est motivé par des raisons qui leur appartiennent, il n'a rien à voir avec vous, n'est surtout pas contre vous, et il ne fait de mal à personne, point. Amis VG, n'oubliez pas que votre mode de vie découle, la plupart du temps, d'une envie et d'un besoin de réduire votre impact sur la planète et ses habitants, de ne plus participer à la cruauté banalisée, de vivre en accord avec vous-mêmes, tout simplement. Pourquoi donc faire preuve de cruauté envers ceux qui débutent, ceux qui tâtonnent, qui trébuchent ? Est-ce réellement en accord avec ce en quoi vous croyez ? Soyez plus tolérants, plus indulgents, accompagnez les "nouveaux", soutenez-les, aimez-les, cessez de mépriser les omnivores sous prétexte qu'ils ont fait un choix différent du vôtre, ou même qu'ils n'ont pas fait de choix du tout et se contentent de suivre ce que la société, leurs parents, leurs grand-parents leur ont inculqué - à tort ou à raison, peu importe, nous ne sommes pas des juges.
Cessez de vous tirer dessus, tous, et de tirer sur ceux qui, en pleine transition, sont encore imparfaits dans leur démarche. Après tout, êtes-vous parfaits, vous ? Toi, qui manges de la viande alors que tu es bénévole actif à la SPA, es-tu parfait ? Toi, qui manges, t'habilles et te savonnes cruelty-free et qui agresses un végétarien qui mange des œufs et boit du lait, es-tu parfait ?
Personne n'est parfait, nous sommes juste humains, et nous ne sommes pas en guerre.


Source photos : Pixabay / Pixabay / Pixabay
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